Publié le 6 Avril 2011
Voulez-vous savoir pourquoi nous, les Israéliens, sommes si nuls en communication ?
C’est parce que, s’il est établi que nous sommes, en Juifs qui se respectent, totalement paranoïaques, on oublie trop souvent de se souvenir qu’en parfait démocrates, nous sommes aussi culpabilisables à l’infini.
Qui peut penser une seule seconde que nous ayons besoin que l’on nous explique où nous avons trébuché, où nous avons failli ? Nous avons pour nous-mêmes des exigences dont personne n’a seulement idée. Nous faisons montre à notre égard d’une sévérité et d’un manque d’indulgence que personne n’atteindra jamais. La vindicte mondiale n’a pas le temps de se mettre en branle que l’auto-flagellation a déjà commencé chez nous. L’armée israélienne a-t-elle jamais attendu quiconque, ONU et consorts, pour se remettre en question et pour enquêter sur le bien-fondé et la justification du moindre de ses actes ? Cela ne change rien à rien de savoir cela, mais il semble qu’il soit parfois bon de rappeler certaines évidences.
Quand dès l’enfance, on t’enseigne qu’il ne faut pas « faire aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse », la vie est définitivement bien amère sur cette planète…
Un homme a été criblé de balles hier à Jénine. Cet homme-là était de ceux qui fustigent l’ « occupation israélienne ». Il était de ceux qui ont appelé au boycott de la culture israélienne. Les plus virulents défenseurs de la cause palestinienne, est-il utile de le rappeler, sont ici. Les ONG les plus actives sont juives. Une fois de plus, cela ne change rien à rien, mais que cela soit écrit, une fois pour toutes. De même que l’appel au boycott a été lancé d’ici. Lancé et entendu. Ce qui fait que certains des intellectuels israéliens qui avaient appelé à la mise en quarantaine de la culture israélienne se sont fait interdire l’accès à certaines manifestations internationales. Ils ont donc été obligés, les naïfs, de lancer une reformulation de leur appel au boycott à laquelle ils n’auraient jamais pensé de prime à bord, indiquant clairement qu’ils appelaient au boycott non pas de tous les intellectuels israéliens, mais de ceux qui se faisaient les complices selon eux de cette « occupation israélienne ». Cette insistance même est infiniment touchante. Elle témoigne d’une honnêteté intellectuelle qui force le respect. Elle témoigne surtout à mon sens d’une méconnaissance totale des motivations réelles des pro-palestiniens de par le monde, qui dans leur grande majorité n’ont que faire des Palestiniens, mais saisissent là l’occasion si belle de hurler leur haine du Juif, de l'Israélien, du Sioniste… Qui oserait prétendre qu’Israël gommé de la carte, il y aurait une seule bonne âme pour s’intéresser encore au sort des Palestiniens ? A moins que certains ahuris pensent une seule seconde que l’anéantissement des Juifs règlerait leur sort et leur permettrait de vivre dans la sérénité démocratique commune à tous les peuples arabes du monde ?
Assez d’hypocrisie.
Un homme a été criblé de balles hier à Jénine. Cet homme s’appelait Juliano Mer-Khamis. Non, messieurs les rares journalistes qui ont couvert l’information, il n’était pas « arabe israélien », mais il était juif et palestinien. Il a été tué par ceux pour les droits desquels il se battait. Vous avez eu peur de l’écrire ? Pauvres fous !
Mais qu’est-ce que vous croyez ? Ils abritent en leur sein des êtres primaires et barbares et alors ? Pour ça, ils ne devraient pas avoir de pays ? Certains sont capables de danser quand on égorge des enfants dans leur sommeil et alors ? Pour ça, ils ne devraient pas avoir de pays ? On les encourage bêtement à réclamer une terre qui n’a jamais été la leur en tant que peuple et alors ? Pour ça, ils ne devraient pas avoir de pays ? On ment en permanence sur leur situation réelle et alors ? Pour ça, ils ne devraient pas avoir de pays ? Aux premières élections de leur autonomie toute neuve, ils ont élu un parti extrémiste et alors ? Pour ça, ils ne devraient pas avoir de pays ? Ils sont le peuple qui reçoit le plus de subventions du monde sans que jamais sa situation ne s’améliore et alors ? Pour ça, ils ne devraient pas avoir de pays ? Ils laissent certains enseigner la haine à leurs enfants et alors ? Pour ça, ils ne devraient pas avoir de pays ?
Elle est là, votre crainte ? Vous avez peur en disant la vérité, en ouvrant, un peu, les yeux du monde de délégitimer les aspirations palestiniennes ? Hérésie. A moins qu'en prenant le risque de détourner l'indignation d'Israël, vous ne craigniez qu'on ne vienne regarder d'un peu plus près vos propres affaires ? Qu'on vous demande des comptes ?
C'est malgré tout ça, peut-être même pour tout ça, comme tous les humains de cette planète, qu'ils doivent avoir un pays, on peut vous l’expliquer, si vous voulez. Qui discute ce point, à part quelques désœuvrés européens en mal d’indignation ? Les plus réels défenseurs de la cause palestinienne sont chez nous.
Juliano Mer Khamis était de ceux-là. C’était un homme de théâtre. Il avait monté à Jénine le Théâtre de la Liberté et certains Palestiniens ne lui en étaient pas reconnaissants. Certains Palestiniens ne l’aimaient pas et n’aimaient pas son théâtre. Ils n’aimaient pas qu’il fasse jouer à leurs enfants des pièces subversives comme « la ferme des animaux » d’Orwell. Certains Palestiniens l’ont tué hier, de cinq balles dans le corps. Certains d’entre eux.
La Palestine est-elle en deuil aujourd’hui d’une de ses colombes ? J’ai cherché un signe de leur chagrin et je ne l’ai pas trouvé. Tous ces pacifistes internationaux, chevaliers de la paix et autres boycotteurs pleurent-ils aujourd’hui le chantre de la libération du peuple palestinien ? Leurs sanglots sont bien discrets. J’ai cherché leurs larmes et je ne les ai pas trouvées. Les indignés de tout poil ont là du beau grain à moudre. J’ai cherché la trace de leur colère et je ne l’ai pas trouvée.
Le deuil, la colère, le chagrin, les larmes existent pourtant.
Ici en Israël.
Tout le monde ne partageait pas les idées de Juliano Mer Khamis, mais je crois pouvoir dire que tout le monde était fier qu’il soit ce qu’il était et qu’il aille au bout de ses idées avec cette fougue et ce talent qui étaient les siens. Israël pleure aujourd’hui Juliano, comme une famille pleure un de ses enfants tombé pour la paix.
Hypocrites de tous bords, vous ne méritiez pas son combat.