Publié le 27 Février 2015
Holon le 27 février
Ma chère petite soeur,
Non mais sans blague.
La secte islamique à réduit en esclavage les femmes yazidies et décapite à tour de bras toutes les têtes qui dépassent, boko haram dépeuple allègrement l'Afrique, des enfants truffés de bombes sont lâchés sur les marchés, des autobus explosent, des trains déraillent, des tsunamis menacent, ébola et le cancer envahissent le monde et moi, impuissante et désespérée, je dois trouver une autre journée à perdre pour par exemple aller convaincre les crétins de la mairie de Tel Aviv que je ne leur dois fichtrement rien vu que je n'ai aucune raison de payer une taxe de bureau d'avocat ou de comptable pour ce qui a été une galerie d'art et ce n'est qu'un exemple parmi mon lot quotidien de crétineries administratives ?
A-t-on déjà vu missions plus dérisoires ? Plus vaines ? Plus décalées ?
Quand la vie est si courte. Si menacée.
Je me sens comme un petit radeau minable dérivant sur un océan de bêtise et de méchanceté.
Chaque jour qui passe, du fond de mon désarroi, je regarde le courrier qui s'amoncelle et je recule les échéances, comme si me caler dans un fauteuil une tasse de thé à la main pour me désoler sur l'état du peuple humain était moins vain. Comme si rester à me morfondre était plus noble, plus utile à quiconque que ces démarches absconses.
Cette semaine, je me suis courageusement attelée au dessus de la pile.
Alors. Wolfson. Uuuuhh.
Wolfson, c'est l'hôpital de Holon. Ça commence bien. J'ai reçu il y a 3 mois une note de frais qui me réclamait 2000 shekels. Après enquête, j'ai fini par comprendre que c'était rapport à un malaise vieux de 4 ans que je pensais réglé.
Oui, il m'est arrivé de faire un petit malaise. C'était au début aussi. Il faisait 40 degrés à l'ombre et ce jour-là, je n'avais pas eu le temps de chercher l'ombre, justement, on s'évanouirait à moins, mince.
Manque de bol, il y a eu des témoins, donc ambulance et Wolfson. Bon.
Mais 2000 shekels ? Quatre ans après ?
N'écoutant que mon courage, j'ai appelé Wolfson.
Pour l'hébreu taper 1, pour l'arabe, taper 2, pour le russe taper 3, pour le philippin, taper 4. Allons bon. Hébreu.
Pour être pendu, taper 1, pour être crucifié, taper 2, pour être noyé, taper 3, pour être lapidé, taper 4, etc.. Au secours.
J'ai laissé tomber le téléphone et j'y suis allée.
Déstresse, m'a dit la charmante de l'accueil avec un bon sourire. Tu nous dois 110 shekels parce que tu ne nous as pas fait parvenir le forrmulaire B3492 dans les temps, tu aurais dû aller le retirer à l'accueil de ta koupat holim dans la semaine qui a suivi ton hospitalisation. C'est tout. Ah et il va falloir aussi que tu envoies 185 shekels à l'avocat parce que du coup, on l'a dérangé.
Appelez-moi Raymonde Bidochon.
Positivons. En vrai, je viens de gagner 2000 shekels. Enfin 1700. Quoi ? Je sors ma carte bleue.
Ah oui mais l'avocat, tu ne peux pas le payer ici, il faut l'appeler. Voilà son numéro.
Magnifique.
J'ai appelé l'avocat. Bonjour. Je ne te connais pas mais je te dois de l'argent à ce qu'il paraît.
Teouda zéout ? (Numéro d'identité)
Allons bon.
Mispar tik ? (Numéro de dossier)
Euh. Voilà.
Date de naissance de ton concierge ?
Tu veux l'argent ou pas ?
Ok. On t'envoie un récépissé et tu vas aller régler à la poste.
Excellent.
Et là donc, j'ai reçu... J'ouvre la lettre. Elle contient un échéancier pour payer 185 shekels par mois jusqu'en mars 2016. Quid ?
Eh ben voilà ont ri les enfants, ils sont là tes 2000 shekels.
Grosse fatigue. Il faut appeler encore. Expliquer. Argumenter, peut-être. Quel ennui. Quand je pourrais peindre ou t'écrire des lettres.
Je me suis préparée une petite camomille et j'ai appelé.
C'est quoi ton problème ? m'a demandé la freha de service. Tu dois 185 shekels (que le correcteur s'obstine à corriger séquelles) Tu les règles et tu jettes l'échéancier.
Mais...
Eh ! Déstresse ! C'est juste une erreur.
De quoi une erreur ?
Mais oui, ça arrive. Pourquoi tu t'inquiètes ? Tu ne trouves pas que le monde est assez compliqué comme ça ?
Argh.
Ils ne m'auront pas. Demain, j'ouvre une deuxième enveloppe.
Prends soin de toi chérie.