Publié le 28 Mars 2011

Bon. Le kibboutz dont je parlais l'autre jour, je le connais bien parce qu'une de mes tantes y vit depuis plus de 40 ans. Il y a là dans le périmètre trois kibboutzim, trois oasis dans le désert à 3 km de Gaza, trois miracles de verdure et de beauté végétale. Parce que la région, c'est cela, aussi. Le désert, désertique côté arabe, fleuri côté israélien.

                       Parce que l'histoire est aussi histoire de couleur.

                       Je me souviens.

           Dans une classe exclusivement musulmane de la banlieue nîmoise, deux élèves s'insultaient. Très calme et digne, je suis allée écrire au tableau : "Édifiant de savoir que mes élèves arabes sont d'affreux racistes. Deux possibilités. Rapport, exclusion et tout le tintouin ou bien exposé commun."

Étonnant de constater comme l'écrit apaise les classes. Toutes les classes. Sans exception. Bien plus efficace que toutes les gueulantes du monde. Et bien moins fatigant.
            - Racistes, nous ?

                        "Vous avez raison. Ignorants. Ce qui est pire."

                        Les élèves vociféraient, je continuai d'écrire en silence.

                        "Vous préférez un rapport ?" 

                        - Pourquoi commun, l'exposé ?

             "Après les insultes que vous venez de vous dire l'un l'autre, vous voilà mûrs pour travailler ensemble."

                        - Jamais.

                        "C'est vous qui voyez."

                        Petit silence. La classe était comme tétanisée.

                        - C'est du chantage.

                        "Ne confonds pas tout. C'est du travail et je suis professeur."

                        - Sur quoi, l'exposé ?

                       " Delacroix."
                        - Ça, madame, vous avez pas le droit. Vous savez à qui vous parlez ?

                        "Delacroix et vous ne remettrez les pieds dans mon cours qu'avec."

           

           Les élèves sortirent rageusement. L'un d'entre eux était resté. "Pourquoi vous faites ça, madame, ce n'est pas bien".

- Eugène Delacroix est un peintre, de quoi crois-tu qu'on parle, un peintre qui aima l'Orient. Je viens de faire à tes deux andouilles de copains un merveilleux cadeau. Et tu ferais mieux d'aller avec eux en bibliothèque pour partager la découverte au lieu de jouer les justiciers.

                        Sourire radieux de l'enfant.

                        De mémoire de professeur, jamais on ne vit plus bel exposé.

           

           Mmmmmmm. Vous êtes vous déjà promené dans la lumineuse Jérusalem ? Il y a une chose tout à fait étonnante que l'on y remarque immédiatement, c'est la différence d'atmosphère qui règne dans les quartiers arabes. Une tristesse beige et poussiéreuse, une tristesse infinie. Lorsque vous longez ce qu'on appelle les territoires, vous êtes frappé par les deux mondes que sépare la route. J'ai souvent essayé de comprendre. Et aujourd'hui, je sais. La différence n'est qu'une histoire de couleur. Un des côtés de la route est aride et sec et marronnasse, l'autre est vert et fleuri. Déjà, les réservoirs d'eau solaires sur les toits ont, par accord tacite, parce qu'ici aussi, il y a des accords tacites, été choisis blancs, d'un côté et noirs de l'autre. Je vous laisse deviner où est le blanc.

Et que l'on ne vienne pas me bassiner avec l'eau, le désespoir, la spoliation, la misère, que sais-je encore. Je parle de la même ville. La même rue. Les mêmes gens. Parfois, je me dis qu'il suffirait peut-être que les gens qui connaissent le plaisir des fleurs traversent la rue avec un bouquet vers ceux qui ne le connaissent pas.

Je ne vous cache pas que quand je dis des choses comme ça, je passe pour une furieuse. Je n'y connais rien, je n'y comprends rien, je crois que tout le monde est gentil et beau, pauvre folle que je suis. Une artiste, n'est-ce pas ?

Et si... Et si...

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Rédigé par Victoria

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Publié le 28 Mars 2011

     Les journalistes ne savent plus écrire, c’est un fait, mais savons-nous lire ? Au départ, ce fut le pourquoi de mes commentaires décomposés. On s’amuse comme on peut. Mes lectures de prédilection, totalement arbitraires parce que dans le fond, je suis persuadée qu’il n’y en a pas un pour racheter l’autre, sont je l’avoue le Monde et Libé, qui atteignent à mon sens des sommets dans l’ignorance crasse et la stupidité nauséabonde.

     Le premier pour des raisons économiques évidentes, l’info étant un produit, normal de l’adapter à sa clientèle, le second pour des raisons probablement plus nauséeuses de dérive, pardon, naufrage de la pensée de gauche.

     Je vous le dis moi, les collabos du troisième millénaire n’ont rien à envier à ceux du second.

     La preuve par le texte ? Le Monde.Fr du 26 mars avec la surréaliste Agence France Presse. Allez, on s’amuse. L’article est en rouge, mes commentaires, en noir.

 

Le Hamas prêt à "un retour au calme"

 

LEMONDE.FR avec AFP | 26.03.11 | 19h46

Je traduis. Le Hamas hisse le drapeau blanc.

 

 

 

Alors qu'Israël connaît depuis plusieurs jours un regain de violence,

Quand on nous attaque, pour l’AFP, ça s’appelle un « regain de violence », avec un verbe d’action ayant pour sujet Israël. Quand je vous disais qu’ils ne savent pas écrire ?

 

plusieurs mouvements palestiniens réunis samedi 26 mars sous l'égide du Hamas à Gaza se sont déclarés prêts à un "retour au calme" et à une trêve tacite avec Israël, à condition qu'Israël s'y engage également.

Le journaliste ne se demande pas pourquoi ils sont prêts tout à coup ? Qu’est-ce qui les a décidés ? Et « Ils se déclarent prêts », c’est une formulation positive ou je rêve ? « A condition », avec des conditions en plus ? « J’arrête de lancer des missiles s’ils arrêtent de m’en empêcher » ? C’est bien ça ?

 

"Le Hamas tient au consensus national (palestinien) et nous sommes engagés à un retour au calme aussi longtemps que l'occupant (israélien) fera de même", a affirmé Ismaël Radwan, un dirigeant du Hamas, lors d'une conférence de presse à l'issue de la réunion de deux heures dans un hôtel de Gaza-ville.

Quel occupant quand Gaza est sous contrôle palestinien, et que le Hamas est le parti qui a été élu sous l’égide de l’Autorité toute neuve ?

Et une « conférence de presse » ? Pour qui ? Qui y a assisté ? Pourquoi pas une photo de cette conférence ? Pourquoi l’AFP ne nous donne pas par exemple une photo de l’hôtel de Gaza-ville, si Ismaël Rawdan n’est pas assez photogénique à son goût ? Je sais bien qu’ils essaient par tous les moyens de ménager notre sensibilité, mais tant pis, j’ai le droit de savoir. Je veux voir cet hôtel.

 

Le "consensus national palestinien" évoque la trêve annoncée par le mouvement islamiste en janvier 2009 à la suite de l'opération israélienne "Plomb durci" contre le territoire palestinien.

C’est gentil de nous expliquer, mais donc, on parle bien de la trêve de deux ans pendant laquelle pas un seul jour ne s’est passé sans qu’un missile ne quitte le sol gazaoui à destination des civils israéliens ? Tu parles d’une trêve. Ca, c’est du consensus. Sans compter que je ne m’étais pas rendue compte qu’après la guerre de Gaza, le Hamas avait annoncé quoi que ce soit. Ils étaient détruits par la barbarie israélienne et le monde entier était en larmes.

 

LE FATAH ABSENT

La réunion de samedi avait été convoquée par le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007,

Attrapés.   On est bien d’accord, s’ « ils contrôlent », c’est qu’il n’y a pas d’occupant, n’est-ce pas ?

 

avec la participation du Jihad islamique, une organisation radicale à laquelle ont été attribués la plupart des roquettes et obus tirés ces derniers jours vers le sud d'Israël. Le Jihad islamique s'est engagé à respecter une trêve de facto dans les mêmes termes.

Même pas envie de commenter les « roquettes et obus ».

 

La réunion, à laquelle n'a pas participé le parti Fatah du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, intervient après presque deux semaines d'une confrontation armée avec Israël.

Et pendant ces deux semaines de « confrontation armée », vous étiez où, messieurs les journalistes ?

La confrontation armée, vous ne la couvrez pas, mais le dirigeant du Hamas qui réunit une conférence de presse avec les terroristes du Jihad, vous y êtes et vous ne prenez même pas une photo ?

 

Des dizaines de tirs de roquettes et d'obus de mortier ont été tirés vers le sud de l'Etat hébreu, dont les représailles ont fait huit morts palestiniens. Après une accalmie de 24 heures, quatre roquettes ont été tirées samedi vers le territoire israélien, endommageant une maison mais sans faire de victime, selon une porte-parole de l'armée.

     Excusez-nous de ne pas mourir, messieurs de l’AFP. C’est qu’on a des abris, nous.

    

     Maintenant, la même info relayée par l'agence Reuters.

     Ismaël Radwan est devenu Ismaïl Roudouane, l'orthographe est moins américaine, mais bon, c’est le même, hein, sauf qu'il n'est plus un "dirigeant du Hamas", mais un « porte-parole de la résistance islamique qui contrôle Gaza ». Pas de "conférence de presse" non plus chez Reuters, mais une "rencontre". Quoi, ils n'étaient pas conviés à l'hôtel de Gaza-ville chez Reuters ? Ils n'en écrivent pas moins que :

 

« Les militants de Gaza indiquent que les tirs ne sont qu'une réponse aux raids israéliens. »

     Là encore, je vous le demande. Quels militants ? Mais j'arrête de chipoter. Ceux qui suivent savent bien que les raids israéliens ont pour seul objectif de faire cesser les tirs gazaouis, et le but est une fois encore atteint. 

     

     Enfin, pas tout à fait, mais presque. Malgré ces bonnes résolutions, il semble que :  

Gaza: deux Palestiniens tués par un raid aérien israélien

Là, on est chez Libé. On sent la différence, tout de suite, hein ?

 

  Le 27 mars.

Deux Palestiniens ont été tués dimanche matin par une attaque de l'aviation israélienne contre la bande de Gaza, a indiqué le porte-parole des services d'urgences palestiniens de la région.

 On appréciera la formulation, "tués par une attaque".

 

"Deux Palestiniens ont été tués et un autre blessé dimanche matin dans un raid de l'aviation israélienne contre des objectifs situés à l'est de Jabaliya", a annoncé à l'AFP Adham Abou Senmya. Et on le dit deux fois, ça a plus d'impact.

 

Interrogée par l'AFP, une porte-parole militaire

Alors là, j’explique, quand les porte-parole sont des femmes, on est côté israélien. Faut suivre.

 

a confirmé ce raid, indiquant qu'"un appareil de l'armée de l'Air a attaqué dimanche matin une cellule de terroristes qui s'apprêtait à tirer une roquette contre Israël à partir du nord de la bande de Gaza".

« Une cellule terroriste qui s’apprêtait à tirer une roquette », mais alors c’est quoi ce titre débile qui présente Israël comme un tueur de Palestiniens ? Quand les deux Palestiniens en question étaient deux assassins prêts à envoyer une arme de destruction massive en direction de civils innocents ? « Israël réussit à intercepter une roquette en partance pour son territoire », ce n’était pas mieux ? Moins accrocheur, certes, encore que, mais plus vrai ?

 

 

Les principaux mouvements palestiniens de Gaza, réunis samedi sous l'égide du Hamas, se sont dits prêts à "un retour au calme" et à une trêve tacite, après une escalade de la violence, à condition qu'Israël en fasse autant.

"Nous nous tenons prêts à agir avec une grande force et une grande détermination pour mettre fin" aux tirs de Gaza, avait affirmé vendredi le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

"Aucune société civilisée n'accepterait de telles attaques aveugles contre ses civils", a-t-il ajouté.

Moi, je trouve ça infiniment plus classe qu’un président qui dit par exemple, debout devant la dépouille d’une victime d’attentat, à côté de ce qu’on va leur mettre, ça, « c’est de la petite bière », pendant que son ministre de l’intérieur gronde « Nous allons terroriser les terroristes ». Essayez avec l’accent corse, vous verrez, ça fait encore plus con. Comment, vous voulez des noms ? OK. Chirac pour la petite bière et l’inénarrable Pasqua pour la phrase qui tue.

 

Conformément aux consignes annoncées vendredi par le ministre de la Défense Ehud Barak, Israël va pour la première fois déployer dimanche près de Beersheva, dans le désert du Néguev, une batterie du système de défense antiroquettes "Dôme de fer" pour un test opérationnel, a indiqué une porte-parole militaire.

Vous voyez, on ne sait pas si c’est la même, mais c’est encore une fille.

 

Ce système de conception israélienne doit permettre d'intercepter des roquettes d'une portée de 4 à 70 km tirées depuis la bande de Gaza. Chaque batterie comprend un radar de détection et de pistage, un logiciel de contrôle de tir et trois lanceurs équipés chacun de 20 missiles d'interception.

C'est-à-dire que pendant que ces pauvres Palestiniens, comment il dit, déjà, l’indigné, ah oui, « exaspérés » farcissent de clous leurs engins explosifs pour que ce soit le plus meurtrier possible, les barbares israéliens mettent au point des systèmes de défense anti-missiles probablement non conventionnels, pour intercepter, les pervers, les missiles qu’on leur balance dessus pendant les trêves. Petit jeu, les Israéliens, petit jeu.

 

M. Barak a pris cette décision à la suite des tirs ces derniers jours depuis Gaza de roquettes de type Grad contre les villes de Beersheva et Ashdod, etc, etc.

Ah quand même. Ca aura été écrit.

 

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Rédigé par Victoria

Publié dans #La petite leçon de journalisme

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Publié le 27 Mars 2011

Mon dernier texte semble avoir eu plus de lecteurs que d’habitude. Sans doute parce que je lui ai donné un petit côté people en y associant Jamel Debbouze…

Là, désolée, même avec la meilleure volonté du monde, je ne vois que Dingo pour illustrer mon propos. Nettement moins glamour, mais… Jugez plutôt.

Je terminai donc la dernière fois sur une petite devinette. Qui a fabriqué les abris des kibboutzim voisins de Gaza sur la route d'Ashqelon ? J’ai le regret de dire que personne n’a trouvé la bonne réponse, personne ne semble même l’avoir seulement cherchée et c’est dommage parce qu’elle est magnifique.

Donc je reprends. Alors que les missiles tombent sans discontinuer en provenance de Gaza, même après la dernière guerre, le gouvernement israélien décide qu’il faut agir et équiper d’abris les kibboutzim voisins, vous savez ces fermes collectives nées de l’utopie communiste. Non pas qu’ils n’aient pas d’abri, les fermiers, mais celui-ci est comme le reste, collectif, et quand on sait qu’à chaque alerte on dispose d’exactement 20 secondes avant l’impact, un seul abri central pour des centaines de personnes dispersées dans les champs, c’est un peu léger.

L’état israélien vote donc le budget pour la fabrication d’abris personnels, un pour chaque famille du kibboutz. Pas très pittoresque, ce petit pâté de béton à côté de chaque maison de l’oasis, mais ici, en matière de sécurité, on ne plaisante pas. Gros budget et gros chantier en perspective. On lance un appel d’offre. Une entreprise israélienne le remporte Et s’empresse de trouver un sous traitant performant.

Où je vous prie ? Oui ? Je n’entends pas ? Mais si, osez, dites-le…

A Gaza. Bravo. Ce qui veut dire que tous les jours, pendant presque un an, un bus est sorti de Gaza, oui, le même Gaza blocusé des médias, pour amener aux kibboutzim voisins, au pluriel, s’il vous plaît, des ouvriers gazaouis hilares de construire le lundi les abris qu’ils bombardaient le mardi.

Moi, je trouve ça très drôle. Mais en vrai, ça ne l’est pas vraiment. Parce que les Gazaouis se sont un peu foutus de la gueule de notre entrepreneur. Ou notre entrepreneur s’est lui, beaucoup foutu de la gueule de ses clients. Je ne sais pas. Toujours est-il que les ouvriers qui sont sortis de Gaza chaque jour étaient des garçons très jeunes et très très peu expérimentés en maçonnerie. D’où mon allusion fine à Dingo sur son chantier qui avec son échelle détruisait tout ce qui était vertical, vous connaissez ce petit film ? Nos petits Gazaouis ont fait exactement la même chose. Volontairement ou pas, ils ont consciencieusement joué à Attila dans au moins un des kibboutz, celui que j’ai vu, éraflant les murs, déracinant les arbres, saccageant les pelouses, piétinant les fleurs, une horreur.

Mais un contrat est un contrat, un budget d’état est un budget d’état et le projet à été mené à son terme. Ils ont mis plus d’un an pour des travaux qui auraient dû durer six semaines, certes, mais ils ont terminé le chantier sans une seule journée cesser de bombarder.

Là encore, pas un journaliste, pas un reportage, pas une photo, c’est du croustillant, pourtant, bon, je reconnais que quand on hurle à l’apartheid, avec une info comme ça, on a l’air con, mais quand même.

On fait quoi avec ça maintenant ?

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Rédigé par Victoria

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Publié le 25 Mars 2011

Petit Monsieur Jamel.

Lors de la dernière guerre de Gaza, vous vous êtes engagé. Vous avez monté l’opération « Un avion pour Gaza ». Je ne sais pas si vous avez finalisé la chose, mais l’idée, déjà était touchante. Je viens vers vous aujourd’hui parce c'est maintenant que les Gazaouis ont besoin de vous et je ne vous entends pas. Vous êtes où ? Vous attendez quoi ? C'est pourtant quand le Hamas part en vrille qu'il faut les aider.
          Moi, j’habite en Israël. C'est dire si la vrille du Hamas, je connais bien. Des missiles nous tombent dessus depuis deux jours, ce n’est pas très nouveau, mais beaucoup quand même, genre 77 en 2 jours, alors, moi, je me dis mazette, nos charmants voisins merdent un peu là, parce ces missiles à longue portée-là sont nettement moins disproportionnés que ceux d’avant qui ne valaient même pas la peine qu’on en parle et leur angélisme risque d’en prendre un sérieux coup face à un reste du monde ultra-réceptif à notre moindre hoquet.

Au moins, avec tout ça, nous sommes sûrs que nos sirènes d’alarme fonctionnent correctement, tseva adom, tseva adom, couleur rouge, couleur rouge, tout bien, tout bien, parfaitement audibles d’un bout à l’autre de nos villes. Certains oiseaux de mauvaise augure pensent que ça ressemble furieusement à une déclaration de guerre, mais nous, ça fait bien longtemps qu’on l’a compris, ce n’est pas parce que l’amoureux se déclare qu’on est obligée de l’épouser tout de même. Et en fiancée réticente, nous sommes très très bons.

Mais si ça continue, il va bien falloir aller leur demander gentiment d’arrêter de mettre des clous dans leurs bombes, c’est conventionnel, ça d’abord ? C’est une bonne question à poser à ces messieurs de la Convention des Droits de l’Homme de l’ONU, non ? Mince, est-ce qu’ils arrivent à siéger encore, ceux-là, maintenant qu’un de leurs membres, la Lybie pour ne pas le nommer, s’est mis en grève illimitée ?

En attendant, le cœur au bord des lèvres, nous nous préparons. Le jour de Pourim, vous savez, notre carnaval, il y avait distribution gratuite de masques à gaz à la mairie. Je suis arrivée à la maison avec les boîtes.

- C’est quoi ça ?

- Des masques, mes petits chéris, des masques.

- Ah, tu te déguises en quoi ?

- En mouche.

Quoi ? Mettez un masque une minute et vous verrez qu’ils sont très peu seyants. Je n’ai pas du tout envie de sortir ces masques de leurs boîtes, Monsieur Debbouze.

En attendant, les exercices de sécurité se sont multipliés chez nous ces derniers temps. Je vais vous confier un secret. C’est là notre petit plus. Ils balancent un missile. L’alarme sonne. On court dans les abris. Dans cet ordre. Pardon. J’oubliais. On court dans les abris avec nos enfants. Evidemment.

Vous pouvez peut-être m’expliquer pourquoi lors du dernier raid que nous avons mené, des enfants, paraît-il, qui « jouaient au foot » ont été tués ? On joue au foot pendant un raid maintenant ? Quand chez nous, les écoles sont fermées depuis trois jours déjà ? Vous pouvez m’expliquer ?

Ici, on nous a recommandé d’organiser nos petits abris personnels, d’y mettre un peu d’eau et des conserves, une radio à piles et une torche, dans la série on ne sait jamais, n’est-ce pas ?

Et pendant tout ce temps là, silence radio total du côté de l’information, pourtant d’ordinaire friande de ce genre d’emballement. Où sont-ils tous ? Au Japon ? Mais non, même pas. Nous avons été les premiers à y envoyer nos équipes médicales. Où alors ?

Si, si, vous avez bien lu, depuis deux jours que ça nous tombe dessus, de plus en plus loin, ce qui veut dire de plus en plus près, on est d’accord que cette discrétion radio-télé est surréaliste ? Mais ils sont où, tous les journalistes, tous les analystes, tous les reporters, tous les photographes, tous les journaleux de tout poil ? Est-ce que par hasard, ils attendent bien sagement que nous entrions dans Gaza, parce que c’est clair qu’on va finir par y entrer, à force, avons-nous le choix, pour hurler, là, là, je les ai vus, ils entrent, les sauvages, les barbares ? Que ce serait petit, que ce serait pervers. Que ce serait moche.

Vous voulez que je vous dise ? Les écoles chez nous, ont fermé dès la première alerte, normal. Je veux penser qu’elles ont fermé à Gaza aussi. Je veux penser que de l’autre côté de la frontière, parce que, n’en déplaise aux imbéciles, elle existe, cette satanée frontière, et tout le problème est là, c’est que certains voudraient bien la rayer de la carte, cette frontière, et nous avec, en attendant, je prie pour que de l’autre côté de la frontière, les mères gazaouies aient eu aussi le loisir de préparer leurs abris, ont-elles des abris ? J’espère qu’elles y ont blotti leurs enfants, les a-t-on laissées les protéger ? J’espère qu’elles ont fait provision d’eau et de conserves et de radios à piles et de torches.

Je suis heureuse de penser qu’on n’a pas eu besoin de leur distribuer des masques à gaz, parce que pour ça, avec nous, elles ne risquent rien.

Notez qu'avec notre mauvais esprit, nous avons pensé déjà, bien sûr, que peut-être leurs alarmes ne fonctionnaient pas très bien. Et comme, à défaut des voisins, nous voulons au moins être en paix avec notre conscience, nous balançons avant chaque raid des tracts sur les villes pour prévenir les gens de se mettre à l’abri. Vous avez bien lu. Nous sommes probablement la seule armée du monde qui prévient avant de bombarder.

Les journalistes modernes sont décidément les professionnels les moins curieux du monde qui n’ont jamais pensé à publier un de ces tracts, qu'est-ce que vous en pensez ?
          Tenez, je terminerai par une devinette ? Vous pouvez me dire qui a fabriqué les abris des kibboutzim voisins de Gaza sur la route d'Ashqelon ?

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Rédigé par Victoria

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Publié le 13 Mars 2011

Il paraît que la Marine est très déçue de n’avoir pu causer dans le poste avec Radio J…

Moi, je me souviens d’un temps où les radios juives étaient interdites de meeting Front National, carrément, et où pour passer quand même, ah, ce courage inconscient des journaleux, nous camouflions nos tendancieux logos sur les micros et magnétos…

Je vous livre ici tel quel l’article que j’écrivis à Marseille après une de ces folles aventures, en… allez, 1983-84.

 

« Grand meeting du Front National au Parc Chanot.

            Que ce genre de programme s’énonce est déjà une chose, mais que tant de gens le lisent en est une autre et qu’il puisse convaincre, alors là, l’idée est carrément surréaliste.

            Pour comprendre, il fallait aller sur place et poser les bonnes questions.

            Je me pointai donc sur place avec R. Le seul meeting politique payant….

            - Bonjour, vous êtes militant Front National, pouvez-vous nous exposer le programme de ce parti ?

            - Je ne suis pas militant, je suis là en curieux.

            - Ah, pardon, et vous monsieur ?

            - J’ai vu ce que faisaient les autres, je suis venu écouter ce que propose celui-là.

            - Vous en avez quand même une idée ?

            - Non. Il faut se méfier de ce qu’on raconte. Je veux entendre par moi-même.

            - Mais alors vous êtes tous là pour la première fois ?

            - Oui. Et alors ?

            - Alors vous avez payé…

            - Chez les autres c’est gratuit et ils disent que des conneries, là, on va voir…

            - Mais c’est déjà tout vu…

            R. me tira par la manche.

            - Tu arrêtes, s’il te plaît, on va se faire repérer. Je te rappelle qu’on est venu pour écouter Le Pen, alors ça serait bien si on ne se fait pas sortir avant qu’il arrive.

            - Ok, désolée.

            Je souris au curieux rougeaud qui transpirait derrière moi et me retournai vers la scène. La fête battait son plein. La salle était comble. Je marmonnai, « les curieux sont riches, cette année.» R. me fit les gros yeux. La tension était palpable. Je crois ne m’être jamais sentie aussi peu à ma place de ma vie. Une espèce de houle malsaine secouait l’auditoire tandis que discours et refrains se succédaient.

            Soudain tout s’arrêta. L’air sembla s’être raréfié. Une rumeur monta, il arrive, il est là. Comme un seul homme tétanisé, le public tout entier se leva. Derrière moi, le curieux rougeaud scandait Le Pen avec les autres, le poing dressé. Je lui souris gentiment, « vous ne m’enlèverez pas de l’idée que votre curiosité elle est quand même sacrément sympathisante… » R. me tira par la manche.

            - Tourne-toi et écoute.

            Face à un public électrisé et ultra réceptif, belle stratégie de se faire attendre si longtemps comme une rock star, le gros homme éructait, il aboyait, il haranguait. Il semblait enfler jusqu’à emplir l’espace. Du grand art. Les curieux, en transe hypnotique, ouvraient des yeux hallucinés. Il houspilla les femmes qui y étaient allées de leur contre-manifestation l’après-midi même. Derrière moi, mon rougeaud cramoisi hurla « les mouquers à la casbah », je me retournai vers lui, peut-être même me levai-je, je ne sais, déjà, R. m’entraînait vers la sortie. Nous sortîmes en courant, je me débattis.

            - Mais lâche-moi, qu’est-ce qui t’a pris ?

            - Il m’a pris que tu es une folle et moi un fou d’être venu ici avec toi, moins deux et ils nous lynchaient, tu ne t’en es pas aperçue ?

            - Pfff. 

            - Retourne-toi et tu verras.

            Derrière nous, à très peu de distance, un vigile nous avait courageusement emboîté le pas, matraque au poing. Je ralentis et micro au vent, l’apostrophai.

            - Il fait chaud là-dedans, hein ?

            - Oui, il sait y faire, Jean-Marie.

            - C’est quoi, ce que vous portez là ?

            - Quoi ? ça ?

            - Oui ?

            - Ben c’est une matraque.

            - Pour quoi faire ?

            - C’est pour nous défendre.

            - De qui ? Vous n’avez rien d’une victime.

            - Les gens nous aiment pas. Dès qu’on arrive, ils deviennent agressifs. Alors nous, on est prêts.

            - C’est normal qu’on devienne agressif quand on vous voit arriver, le crâne rasé et la matraque au poing, vous ne croyez pas ?

Le colosse me regarda bizarrement, son sourire s’était comme figé.

 

            R. me prit la main. Nous franchîmes les portes du Parc.

            Il reprit son souffle.

            - On voulait voir, on a vu. »

           

            Donc on a vu et on a vite oublié.

            Je n'ai pas envie de jouer les rancunières, mais quand même.

          C'est ébourriffant, l'amnésie, en même temps, hein ? J'appartiens quand même au peuple de France qui a pu sacrer empereur Napoléon en 1804, soit moins de 10 ans après avoir dégommé dans le sang et la Terreur ce pauvre Louis XVI et à la deuxième Révolution, quoi, à peine plus de 20 ans après Waterloo, s'élire comme premier président de la neuve République un type qui s'appelait... Louis Napoléon Bonaparte ! qui nous a fait évidemment quasi illico le coup du second Empire, etc...

Alors...

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Rédigé par Victoria

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Publié le 12 Mars 2011

Monsieur Hessel, je voulais vous dire que je vous plains.

Il n’y a chez moi aucune indignation, excusez-moi. Ce sentiment me semble indigne de toute cause noble, lorsque j’y pense, je ne peux m’empêcher d’avoir à l’esprit la commère en bigoudis, poings sur les hanches et qui s’indigne en faisant oooohhhhh !!!! son balai pas très loin, parce que le chien du monsieur du cinquième a fait caca sur son palier, excusez-moi.

Aucune exaspération non plus, tout sentiment qui pourrait me faire sortir de moi-même m’effraie, les exemples sur le sujet abondent et ils sont significatifs, vous ne trouvez pas ? N’est-ce pas vous-mêmes qui écrivez « On peut se dire que le terrorisme est une forme d'exaspération » ? Cela aurait du suffire pour que votre appel devienne : « Ne cédez jamais à l’exaspération ! », non ?

Mais je ne comprends pas tout.

Il n’y a en moi, monsieur Hessel qu’une juste colère et une immense tristesse. Colère parce que c’est ce sentiment là que soulèvent l’injustice et la mauvaise foi, la colère qui, si chacun sait qu’elle est mauvaise conseillère, est, lorsqu’elle ne s’assortit pas d’exaspération, un magnifique moteur de justice et de libération, vous en savez quelque chose, n’est-ce pas ?

Et tristesse, parce que ce monde que j’offre à mes enfants n’est en rien celui que je voulais qu’il soit, où l’hypocrisie et le mensonge plus que jamais sont rois et où jamais mon peuple, qui pourtant avait eu son compte, n’a été tant détesté, ni si bien.

Je n’ai pas lu votre livre, monsieur Hessel. Excusez-moi.

Je ne l’ai pas lu par respect pour votre passé.

Je n’ai pas envie de juger, qui serais-je pour le faire, mais je ne partage pas vos sentiments. Nulle forfanterie de ma part, monsieur Hessel. Je n’ai aucune intelligence visionnaire, aucune information secrète, aucun mérite particulier. Juste, je vis sur place.

Je vis dans un pays où la peine de mort n’a jamais eu à être abolie parce qu’elle n’a jamais existé.

Je vis dans un pays où les femmes, toutes les femmes, ont toujours eu le droit de vote.

Le mot colon a, chez nous, un sens autre, j’ai envie de dire plus concret. Jugez plutôt. Mes enfants, qui apprennent l’arabe pour pouvoir un jour prochain converser avec leurs voisins, ont pour amis les enfants francophones des ambassadeurs africains. Francophones et anglophones, aussi. Nos Argentins, Colombiens et autres Guatémaltèques sont, eux, hispanophones… Vous saisissez le sens de cet élément ?

Mes enfants ont aussi pour amis les enfants de l’ambassadeur d’Egypte, dont ils partagent sincèrement les inquiétudes et les espoirs. Le plus beau garçon de leur campus est, de l’avis de toutes les filles, un palestinien qui répond au doux prénom de Kassam. Ca ne s’invente pas.

Nous cédons chez nous la priorité aux carrefours à des arabes voilées au volant de rutilants 4x4 pendant qu’à l’arrière, leurs enfants font des grimaces aux nôtres et vice et versa, les musulmans représentent un tiers de notre population et notre Jerusalem n’est jamais si belle qu’à l’appel du muezzin. Si dans le contexte nous conservons les sièges de nos mairies, c’est forcément que tous ces arabes votent pour nous.

Parce qu’ils votent ici, monsieur Hessel, les hommes comme les femmes, et ils ont aussi des députés et des partis, et ils sont de plus en plus nombreux à faire l’armée dans nos rangs. Allez comprendre !

Combien loin nous sommes de vos absurdes revendications et de votre ahurissante indignation…

Comprenez-moi bien, monsieur Hessel. Je ne dis pas que vous mentez. Je dis juste qu’il y a une autre vérité, et que vous semblez passer complètement à côté.

Je ne vous ai pas lu, monsieur Hessel, mais j’ai eu l’occasion d’entendre de ci de là des extraits de votre indignation. Vous avez paraît-il écrit que « Se dire 'la violence n'est pas efficace', c'est bien plus important que de savoir si on doit condamner ou pas ceux qui s'y livrent. »

Vous y pensez aujourd’hui, quand en Israël la surveillance aux barrages s’est assouplie, parce que c’est quand même à ça qu’elle sert, à protéger, excusez-nous, et qu’un courageux exaspéré en a profité, de nuit, pour s’introduire dans une maison, et tuer le père, la mère et trois enfants, dont un bébé de quelques semaines, fallait-il qu’il soit exaspéré… ? Vous qui affirmez qu’on peut les comprendre, s’il vous plaît, expliquez-moi.

Expliquez-moi pourquoi la presse européenne est si discrète ? Pourquoi quand on relaie l’information, on parle d’ « attaque » quand il est question d’un monstre qui a sauvagement assassiné au couteau des enfants dans leur sommeil ? De « la mort de cinq colons » ? C’est quoi, « colon », d’abord ? C’est une nationalité, maintenant ? A un mois, à trois ans, on l’est déjà ? Pourquoi personne n’emploie le mot « massacre », alors que pour une fois, hélas, il serait approprié… Ceci n’est pas nouveau, je sais bien, je me souviens d’un certain article sur l’ « attaque d’un car de colons » dans les années 90, quand ces colons-là avaient entre 9 et 12 ans et que le car était un car de ramassage scolaire… Dites, monsieur Hessel, l’indignité et la bassesse, ça vous indigne aussi ? Quand aucun français tué en Afrique francophone n’est jamais appelé colon…

Mais peu importe. Pendant que nous parlons, des missiles continuent d’être tirés de la bande de Gaza vers les civils israéliens des villes voisines sans que personne ne s’en émeuve, vous pas plus que les autres…

Monsieur Hessel… Rassurez-moi… Quand vous cessez d'être indigné, vous prenez parfois votre tête entre vos mains ? Vous versez parfois quelques larmes ?

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Rédigé par Victoria

Publié dans #Journal

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