Lettre à ma soeur. 21.

Publié le 10 Septembre 2014

Holon, le 10 septembre 2014

Ma chère petite soeur,

J’essaie aujourd’hui de me remettre de la journée d’hier…

Une journée qui commençait bien, pourtant.

Je comptais la passer sur le nouveau vélo de la famille, cette journée ensoleillée (caniculaire). Un vélo pimpant, avec des petites roues (mais alors toutes petites), souple (le guidon a un peu de jeu), modulable (pliant), avec un très pratique petit panier que le marchand m’a obligeamment placé pile poil sur la lumière avant (ce sont des choses qui arrivent). Sobre avec ça (noir), d’humeur égale (sans vitesses) et surtout résolument sportif (pas de rétropédalage). Une merveille.

Jusqu’au coup de téléphone de 8h02. Une secrétaire d’avocat qui m’annonçait un procès à venir ou en cours, je n’ai pas bien compris, pour une somme inimaginable que je dois aux urgences de l’hôpital de Holon.

C’était vraiment opportun de me rappeler ma pseudo-attaque cardiaque le jour où je prends le vélo, je te jure.

Ce n’était pas une vraie attaque cardiaque, tu t’en souviens, comme ce n’est pas un vrai vélo, comme, je l’espère, ce ne sera pas un vrai procès. En même temps, ça tombe bien, j’avais un peu de temps devant moi pour aller vérifier à la caisse maladie locale, qu'on appelle ici caisse des malades, la bien-nommée ! et en rapporter je ne sais quel papier au secrétariat de l’hôpital pour cette histoire dont je n’ai aucun souvenir pour plusieurs raisons, la meilleure sans doute étant qu’elle remonte à 2009. Je vais essayer de caser ça la semaine prochaine.

Ca me fait penser que dans mon courrier d'hier, il y avait une invitation à un stage, à la poursuite des voleurs de temps, apprendre à gérer son temps, enfin, quelque chose comme ça. J'aurais pu leur faire une conférence sur le sujet, Sénèque à l'appui, mais bon, dans le contexte, même en courant, plus vite que le vent, plus vite que le temps, même, en cent ans, je n'aurai pas le temps d'y penser seulement... Dommage.

Du coup, tout ça m’a redonné le peps qui me manquait pour attaquer la mairie que j’aurais été bien capable encore de reporter… même si c’était prévu de toutes façons, un de mes élèves habite tout près et je ne peux quand même pas pédaler plus vite à chaque fois que je longe cette jolie bâtisse indéfiniment… Mantra de la semaine, en finir avec toutes ces tracasseries administratives si passionnantes à résoudre, si passionnantes à résoudre sont ces tracasseries administratives qu’il vaut mieux en finir. Mmmm même le mantra donne envie de se pendre. En finir.

Pour me donner du courage, j'ai fait une petite halte à la librairie française du coin. J'ai trouvé quelques livres pour mes élèves et surtout, un livre pour Julie, que mystérieusement, nous n'avions pas. Que je n'ai jamais vu soit dit en passant sur aucune étagère d'aucune bibliothèque. La Bible ! Sans rire. Il fallait au moins ça de toute façon.

14h, j’étais donc à la mairie.

Haïm, le charmant de l’entrée m’a souri, te revoilà, toi ?

Mon sourire, je le crains, devait être un peu grimaçant, car il a ri, allez, ça va aller, tu vas voir.

Direction le cinquième. Mais Nathalie, la petite mignonne qui avait dit qu’elle m’aiderait à écrire ma lettre n’était pas là. Ses deux collègues, Odélia et Yossi (impossible d’avoir des baskets aussi fluos sans s’appeler Yossi) m’ont gentiment fait asseoir.

- Tu veux que je te donne un conseil ? m’a demandé Odélia.

- Euh…

- C’est le même prix, a souri Yossi.

- Vas-y.

- Paie ce qu’on te demande, et ensuite, écris ta lettre tranquille.

- Même pas en rêve (tu sens comment je deviens israélienne ?).

- Comme tu veux. Yossi va t’écrire ta lettre.

- En réalité, elle est déjà écrite, il faut juste la remettre à la première personne.

- Ah oui, c’est vrai. Allons-y.

Yossi est aussi adorable et patient qu’il ne devait pas être bon en grammaire à l’école (mais ça, je m’en étais doutée à la couleur des baskets) et il nous a fallu plus d’une interminable demi-heure pour recopier les dix lignes qu’il m’a dictées lettre à lettre, le flacon de tipex à la main.

Dix lignes dans lesquelles j’ai écrit trois fois mon numéro de téouda zéout (intraduisible) parce que Yossi en est un vrai, lui, d’israélien, qui sait comment ça marche.

Evidemment, avec tout ça, quand on a fini, le bureau du 4ème auquel je devais remettre la lettre était fermé.

Reviens demain, s’est réjoui Haïm en me glissant son numéro de téléphone sur un bout de papier (La Bible et les livres dans mon sac pesaient une tonne, je n'étais plus à une feuille près).

Oui, mais demain, c’est aujourd’hui et aujourd’hui, je devais aller à la banque essayer d’expliquer au banquier qu’une somme versée depuis sept ans sur mon compte à la même période avait inexplicablement été virée ailleurs où je dois, maintenant (quand ??) aller la récupérer. Il ne va jamais me croire. Ou plutôt si, d’ailleurs. Et il va bien rire.

Bon. Tu sais quoi ? Je n’ai rien fait aujourd’hui. Je t’ai écrit. Et là, je vais juste aller sur mon beau vélo Sarah Kay visiter la nouvelle galerie.

Prends soin de toi, chérie.

Rédigé par Victoria

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